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François en Belgique

Charles Delhez sj —

Et voilà le pape chez nous ! Les pays de vieille chrétienté ne sont pas sa priorité, il préfère les frontières, le lointain Orient, par exemple. Mais en Belgique, ne serions-nous pas aussi un pays des frontières, au loin dans le processus de laïcisation ? Il fut un temps où pratiquement tous les Belges étaient baptisés catholiques. En 1977, ils étaient encore 85%. Aujourd’hui, ils sont moins de 40%. Et les baptêmes d’adultes ne compensent pas, beaucoup s’en faut. Il n'empêche, un bon 50% des Belges se donnent une identité catholique. À l’occasion de la visite papale, on perçoit un frémissement d’enthousiasme. On s’est arraché les places au stade du Heysel.

Voilà pour le pays visité. Et pour le visiteur ? De toute évidence, François opère un tournant dans l’Eglise, tout en restant fidèle tant à la doctrine qu’à la morale chrétiennes, mais en les assouplissant. Je ne suis pas près d’oublier la soirée de son élection, où il a crevé l’écran, donnant des premiers signes de ce tournant : il a demandé à la foule de le bénir. Et au lieu de commencer par une formule liturgique, il a lancé un Buona sera familier. Il est allé loger parmi les cardinaux, non dans les appartements pontificaux, il a renoncé à la voiture de fonction qui devait l’y mener. Son premier voyage le conduisit à Lampedusa, donnant ainsi un signal fort quant à la priorité de son pontificat : les pauvres, et particulièrement les migrants. Un peu dans la même ligne, pointons son attention pour les personnes « en situation irrégulière» : « Qui suis-je pour juger ? » Il a autorisé des bénédictions, non liturgiques, pour ces personnes.


Ce qui marquera l’histoire, c’est le concept de synodalité dont nous n’avons pas encore mesuré toutes les conséquences dans la manière de faire Église. Peut-être a-t-on encore en tête cette photo de la salle Paul VI, lors de la première session du synode des évêques qui lui est consacré : 35 tables rondes et, à l’une d’entre elles, le Pape. On est loin de la sedia gestatoria qui le mettait au-dessus de tous. Dans quelque jours débutera, à Rome, la seconde session de ce synode.

Il y a bien sûr des points plus difficiles. François n’est pas vraiment le pape de l’unité ecclésiale. Il a divisé son élite, et notamment les cardinaux ; quant aux cathos de base, ils ont continué à s’opposer, et plus que jamais peut-être, sur la liturgie. Benoît XVI avait voulu apaiser, François y a vu le lieu d’un combat. Il est un pape adulé et admiré, et notamment par ceux qui ne fréquentent plus l’Église mais qui se sont réjouis de voir celle-ci s’ouvrir ; il est également un pape détesté et combattu comme jamais, du moins en ces temps modernes. Je suis de ceux qui estiment qu’il n’a pas été assez loin dans ses réformes et en même temps, je m’en réjouis : irait-il plus loin qu’il polariser      ait davantage.

Paradoxalement, celui qui parle tant de collégialité a parfois fait montre d’autorité, voire d’autoritarisme. Face au synode allemand, il a fait preuve d’une grande fermeté, trop grande diront certains. Il s’est donné des objectifs et il veut les atteindre à tout prix, et aussi trop vite. Certaines décisions ont été mal comprises, certains propos trop rapidement prononcés. Ce qui me semble certain, c’est que ce pape laissera un héritage loin d’être neutre et peu banal. C’est avec cela que son successeur devra s’arranger.


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