Charles Delhez sj –
Que s’est-il donc passé ? Les évangiles sont de bien piètres livres d’histoire. L’agenda des apparitions pascales ne concorde pas. Mais cela tombe bien. En effet, la résurrection n’est pas une information historique, ce n’est même pas un fait historique observable en lui-même. C’est un saut qualitatif, un chemin intérieur, une conviction intime des disciples qu’il existe une réalité bien plus profonde que ce que l’on peut voir. C’est la rencontre du Crucifié qui leur fait signe à partir de Dieu, ce Dieu qui lui a donné raison en le réveillant de la mort, en l’accueillant dans la plénitude de la vie divine.
Les disciples ont, certes autrement, fait l’expérience de la présence de Jésus. Dieu ne l’avait pas sauvé de la mort, il l’a sauvé dans la mort. Cela allait à l’encontre de tout ce à quoi ils s’attendaient. Ce n’est pas le fruit d’un effort personnel, d’une auto-persuasion, mais c’est une rencontre dont ils ne tenaient pas les rênes. C’est Jésus qui en a eu l’initiative. La peur qui les paralysait s’est transformée en une audace irrésistible. Ce troisième jour, c’est eux aussi qui étaient relevés d’entre les morts.
Proclamer que Jésus est vivant, c’est dire que nous pouvons le rencontrer aujourd’hui encore, non pas à la manière dont on rencontre son meilleur copain, mais plus fort que cela : à l’intime de soi-même, là où nous disons un « moi je » que nul ne peut dire à notre place. C’est cette expérience que les femmes, et Marie Madeleine la première, ainsi que les disciples ont faite de manière particulièrement forte. Malgré eux, pour ainsi dire, ils ont acquis la certitude intuitive et immédiate qu’il est vivant. Eux les poltrons se sont sentis capables de ce qui animait Jésus. Son aventure se poursuivait en eux. La force de l’amour de Dieu qui avait animé Jésus les habitait aussi. Par-delà la mort, il leur donnait son Esprit.
Cette expérience existentielle, les évangélistes ont essayé de la transmettre, chacun à sa façon. Il nous ont laissé une catéchèse sous forme de récits qui parlent tellement au cœur. Ce procédé narratif leur a permis de dire quelque chose qui ne se raconte pas, mais se vit. Il est sans doute impossible de faire concorder ces récits. Pourtant, tous sont traversés par les mêmes convictions : Jésus est vivant ; c’est l’œuvre de Dieu lui-même ; il s’est manifesté à nous ; il nous donne l’audace folle d’en être témoins.
Dans la nuit de Pâques, de par le monde entier, des millions de croyants ont chanté l’alléluia de la résurrection. Le Samedi saint, dans toutes les églises du monde, il n’y avait rien, comme en ce terrible sabbat de l’an 30. Il était mort, avait été déposé au tombeau. La pierre était roulée et scellée. Les disciples cherchaient à comprendre, à réorganiser leur vie en fonction de cette absence, de cet échec. N’avaient-ils pas suivi quelqu’un qui avait été désavoué par son peuple et que Dieu semblait avoir abandonné ? La réponse est venue au matin de Pâques. Mais pour l’entendre, il fallait la foi, l’audace de la confiance. Pour nous aussi.
Par-delà les siècles, nous pouvons encore être atteints par ce Jésus et l’aimer. Ses valeurs, sa vie personnelle, sa personne elle-même nous touchent encore profondément. Pour beaucoup de croyants, le Christ demeure la première référence de leur vie, celui qui donne le sens qui enveloppe tous les autres. L’aventure n’est pas finie.
Comentarios