Le sac du missionnaire – 3425
Charles Delhez sj –
Un peu dérangeant, ce petit livre intitulé Libre et léger avec St François[1]. Frère Jack, du couvent Saint-Antoine à Bruxelles, en complicité avec une mère de famille, Claire Denoël, nous donne des outils pour être témoins de l'Évangile dans un monde qui, au moins à première vue, ne l'attend plus. Évangéliser, c’est mettre Jésus dans nos actions et dans nos conversations. Le détachement de son ego, le lâcher-prise, l'humilité, la fraternité, le service sont indispensables.
La simplicité et la pauvreté sont pour le franciscain Jack, d'origine australienne, un précieux outil et même une condition sine qua non pour être un témoin véridique. Avec sa communauté, ils font le choix de ce style de vie interpelant pour notre société dite d'abondance. « Il faut qu'il nous manque toujours quelque chose », disent-ils souvent. Car, lit-on dans le livre des Proverbes, “dans l'abondance, je pourrais renier Dieu en disant : le Seigneur, qui est-ce ?” (30,9). Pour prendre la route, il faudra donc retirer bien des choses du sac à dos de missionnaire, ne gardant que ce qui est “utile et nécessaire”, comme pour aller à Compostelle.
Une tentation menace tout apôtre, cette impression de faire les choses mieux que les autres et de se comparer sans cesse à eux. Il vaut mieux, estime notre franciscain, se comparer à Jésus. Toute prétention de grandeur s'évanouit alors, car on est toujours perdant. Une autre tentation serait de négliger notre relation à Dieu. Un témoin qui ne s'adresse jamais à Dieu dans la prière n'est plus témoin de rien. La règle est simple : prier avant, pendant, et après la mission, répète frère Jack. “Ce n'était pas un homme qui priait, c'était la prière faite homme”, disait-on de saint François.
Être missionnaire n'est pas une aventure solitaire. Jésus a envoyé ses disciples deux par deux. La mise en commun des talents et la collaboration, la vie en équipe sont essentiels. Mais, attention ! l'outil numéro un : le Saint-Esprit. Il nous pousse à partager notre joie, il donne puissance et fécondité à notre témoignage.
Être missionnaire, ce n'est pas non plus un business où on investit pour recueillir des dividendes. Il s'agit de semer. Quant à ce qui se passe dans les cœurs, cela ne nous appartient pas. Et le franciscain de citer mère Teresa, fondatrice des Missionnaires de la charité : “Je ne suis pas appelée au succès, mais à la fidélité.” Le salut, finalement, ne dépend pas de nous.
Si le missionnaire retire bien des choses de son sac, c'est aussi pour faire place à deux objets essentiels : des ciseaux et un tablier. Les ciseaux sont là pour se détacher, se libérer de soi. Le tablier, pour servir Dieu et les autres, en leur offrant gratuitement les dons reçus gratuitement. La mission est notre réponse d'amour à un Dieu à genoux devant nous pour nous aimer et faire de nous des partenaires par l'action de son Esprit.
C’est l'amour divin qui brûle dans un cœur de missionnaire. Comment ne pas le partager ? Tout au long de ce petit guide de la vie du missionnaire, des questions “pour réfléchir seul ou un petit groupe” invitent à une véritable remise en question. Nous n'en sortirons pas indemnes. Dans notre monde de la discrétion sur nos convictions religieuses, ce livre est dérangeant. J'avais prévenu. Ne l'oublions pas : la mission n'est pas réservée aux prêtres et aux religieux. Nous y sommes tous appelés. En route, donc !
[1] Frère Jack Mardesic et Claire Denoël, Libre et léger avec St François, coll. Outils missionnaires, Éd. des Béatitudes, 2023. François d'Assise (1182-1226).
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