Charles Delhez sj –
Dans nos églises, nous allons entendre la Passion, celle selon Marc le dimanche des Rameaux et, le Vendredi saint, comme chaque année, celle selon Jean. Nous serons assis et, à certains moments, peut-être debout. Sans doute serons-nous touchés par l’un ou l’autre passage, par la foi de Jésus et par son amour jusqu’à l’extrême. Peut-être aurons-nous envie de dire, comme le centurion romain de Marc : Vraiment cet homme était Fils de Dieu !
Mais il y a des hommes et des femmes, aujourd’hui encore, pour qui il ne s’agit pas seulement d’écouter la Passion. Ils la vivent, en communion avec le Christ. À cause de leur foi chrétienne, ils sont confrontés à l’oppression et aux persécutions. Ils vivent dans leur propre chair ce que le Christ a vécu (cfr Col 1, 24). L’ONG Portes Ouvertes a publié son Index des Persécutions des Chrétiens 2023, révélant que plus de 365 millions d’entre eux sont actuellement victimes de niveaux élevés de persécution et de discrimination en raison de leur foi. Ainsi au Sahel, au Nicaragua, en Chine, en Inde… Ce chiffre alarmant signifie qu’environ un chrétien sur sept dans le monde est l’objet de persécutions ou de restrictions de leurs libertés.
En vue du jubilé de 2025, le pape a mis au travail un groupe chargé de dresser un catalogue de tous les chrétiens, pas seulement les catholiques, qui ont donné leur vie pour l’Évangile depuis le début du XXIe siècle. Dans la lettre où il précise le sens du travail de la commission, François déclare : « Les martyrs de l’Église sont les témoins de l’espérance qui naît de la foi dans le Christ et qui incite à la vraie charité. L’espérance maintient vivante la conviction profonde que le bien est plus fort que le mal, parce que Dieu, dans le Christ, a vaincu le péché et la mort. »
En son temps, Jean-Paul II avait créé une commission similaire pour les martyrs du XXe siècle, notamment les victimes des régimes totalitaires (nazi, fasciste et communiste). « Les martyrs ont accompagné la vie de l’Église à toutes les époques et fleurissent encore aujourd’hui comme des fruits mûrs et excellents de la vigne du Seigneur », a-t-il pu dire. Les martyrs sont en effet plus nombreux à notre époque qu’aux premiers siècles.
Au long de l’histoire, des chrétiens ont été exterminés par les peuples auxquels ils annonçaient l’Évangile (Japon, Ouganda…). Et n’oublions pas qu’au XX° siècle, l’athéisme antireligieux (stalinien, nazi ou nippon) fut intolérant et exterminateur. Chez nous, cependant, il n’y a plus de persécutions au sens strict du terme. On se contente de mépriser le christianisme, voire de s’en moquer. On peut parler du Père Noël, mais plus de Jésus. Nous assistons à ce qu’on pourrait appeler une persécution culturelle.
Sommes-nous encore capables de comprendre que l’on puisse donner sa vie pour sauver sa foi, pour en témoigner ? Je pense notamment aux saintes Perpétue et Félicité fêtées récemment. Elles s’avancèrent la main dans la main dans l’amphithéâtre de Carthage un 7 mars du début du IIIe siècle. La première n’était encore que catéchumène. Et nous, les chrétiens de longue date, que reste-t-il de notre espérance ? Quel prix sommes-nous prêts à payer pour demeurer témoins de la nouveauté toujours renouvelée de l’Évangile ?
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