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Une secte érotico-mystique cachée

– Charles Delhez sj –

Voici trois ans, l'affaire Jean Vanier était révélée. C’est avec stupeur et sidération, disais-je alors, que j’ai appris que cet homme avait sciemment entretenu une double vie, faisant plusieurs victimes. Aveuglé par une fausse mystique, il avait abusé de femmes en état de vulnérabilité psychologique. L'Arche, cette œuvre fondée par lui, a mandaté une commission indépendante pour y voir clair. Elle vient d'en publier les résultats. C'est encore plus sordide que prévu. Les victimes sont plus nombreuses, le mensonge plus gros, mais heureusement, il est confirmé qu'il n'y a pas eu de victimes parmi les personnes avec un handicap.

Le journal La Croix titre : Une secte cachée au cœur de l'Église[1]. Et


en effet, tous les critères en sont réunis. Rassurons-nous, il ne s'agit pas de l'Arche, mais d'un petit groupe secret auquel appartenait Jean Vanier, les deux frères dominicains Philippe et quelques autres personnes. Jean Vanier, dont le comportement peut être qualifié de pervers, a fait au moins 25 victimes, parfois plusieurs en même temps. Il s'agit clairement d'un phénomène d'emprise, attitude qui consiste à fabriquer du consentement… La Croix introduit l'article son article en disant que certains détails pourront choquer. Et en effet. C'est horrible et même sordide. La rédaction a cependant fait le choix de les publier, car ils renseignent sur la gravité des faits.

L'Arche prend sa part de responsabilité : nous manquions de contre-pouvoir, les choses ont pu se faire à l'insu de tous. L'ordre des dominicains, qui remet son propre rapport, reconnaît qu'il y a eu un manque de suivi. En effet, le père Thomas avait déjà été condamné en 1955 par le Vatican pour cela. Il ne pouvait plus célébrer les sacrements et Jean Vanier était interdit de contacts avec lui. Hélas, l'Arche a servi de paravent. Il semble bien que Jean soit arrivé à Trosly non d'abord pour fonder l'Arche, mais pour retrouver le noyau sectaire.

Dans l'Évangile, il y a cette phrase : un mauvais arbre ne peut porter de bons fruits. Jésus fait là non une constatation sociologique, mais plutôt une interpellation prophétique : soyez de bons arbres ! Certes. Cependant, par une autre parabole, Jésus invite ses disciples à ne pas arracher l'ivraie, car cela compromettrait la croissance du bon grain. Ceci s'applique merveilleusement à cette épopée érotico-mystique. Il y a du bon grain, et en abondance: L'Arche rassemble 10.000 membres dans 150 communautés de par le monde. La perversion abominable et diabolique n'a pas touché l'œuvre elle-même ni les personnes handicapées. Il n'empêche, quelle horreur ! Et sous de beaux atours…

Le danger serait que cela sape en nous toute confiance et que chaque fois que nous rencontrons quelqu'un ou que nous fréquentons une institution, nous nous demandions ce qui s'y cache de pourri. C'est effectivement une tentation. Le ressort de l'Évangile, cependant, c'est la confiance. « Ta foi t'a sauvé », ne cesse de répéter Jésus. Préservons-nous donc de tout scepticisme envahissant. On peut d'ailleurs retourner la parabole en disant : il y a toujours du bon grain qui se cache dans les situations qui semblent les plus négatives.

Que cet optimisme ne nous abandonne jamais et qu'il se fasse espérance : je m'engage pour que ce que je souhaite pour le monde advienne dans ma vie. Et je serai prudent: on est si vite détourné des meilleures intentions!

[1] La Croix, 30 janvier 2023.

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